Étude sur la Jeunesse

Même avec une bien meilleure instruction, la mobilité sociale ascendante est désormais hors de portée pour beaucoup. Seul un tiers des jeunes de la région MENA (à l'exclusion des élèves et des étudiants) dispose d'un revenu régulier. Tous les autres sont temporairement ou définitivement sans emploi. L'insécurité et la vulnérabilité deviennent donc des conditions chroniques du fait de la précarité omniprésente. Même les jeunes familles qui démarrent dans la vie avec un bon niveau d'instruction et un double revenu sont confrontées à d'énormes problèmes économiques.

La famille continue de jouer un rôle clé pour les jeunes de la région MENA. Se séparer de sa famille est pratiquement inconcevable pour cette génération car il n'y a guère d'autre institution qui offre un filet de sécurité face à l'insécurité économique. Les jeunes hommes et femmes sont eux/elles-mêmes intéressé.es par des liens familiaux forts, considèrent qu'avoir leurs propres enfants est important et ne changeraient pas grand-chose à leur propre éducation. En même temps, ils/elles poursuivent des objectifs d’autonomie, comme celui de choisir leur propre conjoint pour se marier.

Les inégalités dans les sociétés de la région MENA sont souvent présentées comme spécifiques au genre, une approche qui ne tient pas compte d'autres facteurs décisifs, voire les occulte. En ce qui concerne le harcèlement sexuel, par exemple, les jeunes hommes et les jeunes femmes ont des attitudes tout aussi misogynes, quel que soit leur niveau d’instruction. Les questions de genre sont donc toujours ancrées dans la société et doivent être abordées dans le cadre des configurations sociales.

Alors que les données empiriques dépeignent une jeunesse plutôt pieuse au sein de la MENA, les jeunes considèrent la religion d'abord comme une affaire privée, comme une source d'espoir et d'optimisme. Pour les jeunes de la région MENA, la religion ne sert plus des objectifs politiques ou idéologiques, mais est plutôt axée sur le bien-être individuel et l'autodiscipline, ce qui en fait davantage une source de spiritualité. Lorsque l'on trouve des degrés élevés de piété, cela se ressent principalement au niveau individuel, et non plus en termes d'utopie sociale.

Les soulèvements de 2010/11 montrent le potentiel de politisation des jeunes dans la région MENA, qui dans de nombreux cas ne permettent qu'une participation politique limitée. Une grande majorité de jeunes ont pris leurs distances par rapport à la politique après les expériences récentes de la région, soulignant qu'ils/elles ne sont plus intéressé.es par la politique. Ce faisant, ils/elles font cependant souvent référence à la politique des partis, car ils/elles expriment également un intérêt et des engagements liés à la scène politique quotidienne.

Interrogé.es sur les systèmes politiques, les jeunes de la région MENA préfèrent nettement un système démocratique. En même temps, une grande partie des jeunes souhaite une plus grande présence de l'État. Cela concerne principalement l'amélioration de la sécurité sociale, qu'ils/elles estiment que l'État devrait assurer face à l'incertitude croissante. Les jeunes incarnent ainsi un potentiel important pour des changements constructifs de l'ordre politique.

Les événements de 2010/11 représentent le point culminant de la mobilisation politique des jeunes visant à changer les relations entre l'État et la société. À la suite de ces événements, et malgré la désillusion de beaucoup à l'égard des processus politiques formels ces dernières années, les jeunes restent prêt.es à devenir politiquement actifs/actives. Cependant, les domaines dans lesquels ils/elles pourraient agir ont changé et ils/elles sont plus intéressé.es par la défense d'objectifs socio-économiques que par le changement politique.

Les jeunes hommes et femmes de la région MENA sont généralement disposé.es à œuvrer pour l'intérêt d'autrui ainsi que pour des objectifs sociaux. Cependant, ils/elles s'engagent rarement par le biais d'organisations formelles de la société civile et seul un tiers des jeunes politiquement actifs/actives agissent dans un cadre institutionnel. Avec l'évolution des valeurs et des objectifs des jeunes et la fermeté avec laquelle les États autoritaires de la région contrôlent et cooptent l'engagement civil, les organisations de la société civile ont manifestement perdu leur attrait aux yeux de la jeune génération.

Malgré l'incertitude qui règne dans la région, seul un petit groupe de jeunes s’intéresse sérieusement à la migration. La migration de travail est généralement orientée vers d'autres pays de la région MENA, et le désir de travailler en Europe reste limité. Les jeunes touché.es par des situations précaires sont souvent déchiré.es entre des idées de migration et des liens profonds et émotionnels avec leur pays d'origine et leur famille. L'émigration n'est donc en aucun cas envisagée comme une simple "porte de sortie".

Bien que la situation politique et économique des pays de la région MENA n'incite guère à l'optimisme, les résultats de l'étude donnent l'image d'une jeunesse plus instruite que jamais, ayant des liens affectifs forts avec son pays d'origine et une attitude positive face à la vie, prête à assumer des responsabilités et à s'impliquer activement dans la résolution des problèmes de société.