Étude sur la Jeunesse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Ces dernières années, les événements régionaux, mais surtout les événements mondiaux, ont eu une forte influence sur la vie des jeunes dans la région MENA et les ont privés de leur droit de vote. Ils/elles ne s'intéressent guère à la politique et n'ont guère confiance dans la plupart des institutions étatiques. Les formes démocratiques de gouvernement ont nettement perdu de leur attrait, et la perplexité se généralise. La préférence pour un système politique reposant sur un « homme fort » est l'expression de l'attente que l'État apporte un soutien social et économique fondamental.

La situation économique et l'emploi des jeunes adultes dans la région ont été mis sous pression par la pandémie et les crises actuelles. La perception de la situation économique de la famille s'est détériorée dans presque tous les pays. Les jeunes adultes qui ont déjà fondé une famille sont particulièrement sous pression. Alors que la génération des parents travaille encore majoritairement dans la fonction publique ou en tant qu'employés, les jeunes doivent chercher de nouvelles activités, souvent moins sûres.

La famille est l'institution la plus importante et le point de repère central pour les jeunes dans la région MENA, notamment parce qu'il n'existe pas d'autres institutions fiables. 87 % des personnes interrogées sont convaincues que « seule une famille permet de mener une vie heureuse ». Dans le même temps, plus de la moitié des personnes interrogées déclarent qu'il est devenu plus difficile de trouver un partenaire. Ce sont surtout les jeunes femmes qui, dans cette situation, développent de nouvelles valeurs et cherchent à acquérir une plus grande capacité d'action.

Les nombreuses crises qui touchent la région MENA vont des crises économiques déjà virulentes en 2016 et du problème du chômage des jeunes qui en découle, aux crises déclenchées par la pandémie de Covid-19 en 2020/2021, qui ont été vécues pour la première fois dans le monde entier. Si la pandémie n'a épargné aucun des pays étudiés, les problèmes tels que les pénuries d'approvisionnement, l'insécurité et la faim sont considérés comme plus urgents et plus graves selon le pays et la couche sociale.

La pandémie de Covid-19 a été une expérience ambivalente pour de nombreuses personnes interrogées. Elle a eu des effets immédiats sur la santé physique et mentale des jeunes. Mais la vie quotidienne pendant la crise du coronavirus a également été marquée par des restrictions temporaires et de nouvelles inégalités structurelles qui ont particulièrement touché les plus vulnérables. En revanche, l'expérience positive la plus importante pendant la pandémie a été l'engagement social et solidaire important, spontané, souvent autoorganisé, d'une grande partie de la jeunesse.

L'insécurité alimentaire et la violence sont souvent liées et touchent principalement les groupes de population pauvres et vulnérables. Ces deux phénomènes ont des conséquences dramatiques pour les personnes concernées, qui sont difficilement réversibles et conduisent à des fractures sociales ainsi qu'à la perte de normes sociales, notamment en ce qui concerne l'accès aux denrées alimentaires de base et à la justice sociale. Dans les pays et les couches sociales concernés, la faim et la violence agissent comme des processus d'expropriation radicaux qui rendent l'autodétermination des jeunes adultes et des chances de vie équitables peu réalistes.

Malgré l'insécurité qui règne dans la région, seule une petite minorité des personnes interrogées est déterminée à émigrer. Le nombre de ceux qui ne veulent en aucun cas quitter leur pays d'origine a toutefois diminué depuis 2016. Les sentiments complexes et les évaluations nuancées des personnes interrogées sur la migration réfutent l'hypothèse stéréotypée selon laquelle la majorité des jeunes adultes de la région MENA sont des « candidat.es à la migration ». En outre, les projets de mobilité ne sont pas seulement un signe d'exclusion économique, mais aussi une stratégie pour une vie décente avec des moyens de subsistance sûrs et une répartition plus juste de la richesse et des opportunités.

La prise de conscience de la protection de l'environnement et du changement climatique s'accroît dans toute la région (de 41 % en 2016 à 56 % en 2021). Elle est particulièrement marquée lorsqu'il y a un impact direct. La grande majorité des jeunes déclarent s'inquiéter de l'état de l'environnement et beaucoup sont prêt.es à s'impliquer activement pour l'améliorer. Cependant, il est souvent difficile d'identifier les responsables de la pollution de l'environnement et du changement climatique. Selon l'enquête, les chances de succès des protestations et de l'engagement sont plus grandes lorsque les acteurs parviennent à relier les questions environnementales aux préoccupations socio-économiques.

La volonté de s'engager socialement est grande ; la majorité des personnes interrogées (78 %) déclarent s'engager bénévolement. L'aide aux pauvres et aux personnes vulnérables ainsi que l'engagement pour un environnement meilleur et plus propre sont les principales motivations. L'engagement en faveur du changement social et politique arrive en dernière position. Beaucoup de jeunes situent délibérément leur engagement en dehors des domaines formels et institutionnels. Malgré leur regard critique sur l'État et la société, ils/elles agissent avec la conviction de pouvoir influencer positivement le monde, au moins dans leur propre environnement.

Malgré une profonde déception face aux évolutions politiques et économiques, les personnes interrogées font preuve d'un optimisme presque inépuisable, qui semble être propre à chaque jeune génération. Par rapport à l'enquête menée cinq ans auparavant, la proportion de ceux et celles qui envisagent l'avenir avec optimisme a toutefois diminué. Alors que les jeunes formulent des exigences envers les politiques et les générations plus âgées, ils/elles sont en même temps prêt.es à prendre les choses en main. La solidarité spontanément organisée est un exemple édifiant et encourageant de la grande énergie et du potentiel de cette jeune génération pour briser la spirale de l'expropriation et rendre les sociétés de la région plus justes et plus durables.