12.12.2025

La budgétisation sensible au genre : un levier au service de l'équité et de l'inclusion en Algérie.

Dans les régions en proie aux conflits et à l’instabilité, les gouvernements accordent souvent la priorité aux dépenses militaires sous couvert de la garantie de la sécurité nationale. Cette tendance, particulièrement marquée dans les zones exposées à des tensions régionales latentes ou actives, trouve une illustration manifeste dans le cas de l'Algérie.

Introduction

Dans les régions en proie aux conflits et à l’instabilité, les gouvernements accordent souvent la priorité aux dépenses militaires sous couvert de la garantie de la sécurité nationale. Cette tendance, particulièrement marquée dans les zones exposées à des tensions régionales latentes ou actives, trouve une illustration manifeste à l’image de l'Algérie, qui a vu son budget militaire augmenter chaque année.

Cette priorité persistante accordée à la défense se fait au détriment des services sociaux essentiels, pourtant cruciaux pour promouvoir l'égalité des genres et assurer une stabilité sociétale durable. Il en résulte un sous-financement persistant des programmes cruciaux dans les secteurs de la santé, de l'éducation et du développement économique, ce qui a pour effet d’aggraver les disparités préexistantes. Ce sont les femmes et les populations marginalisées qui supportent le poids principal de ces arbitrages, se heurtant à des difficultés accrues pour accéder aux services fondamentaux, un levier fondamental d’amélioration de leurs conditions de vie(1).

Dans les sociétés patriarcales, la résistance à la réforme est particulièrement forte, entravant les progrès vers une véritable équité entre les genres. Cette résistance risque de laisser les populations vulnérables en situation de marginalisation et de délaissement, renforçant ainsi des cycles d'exclusion et d'insécurité bien établis.

L'économie féministe remet radicalement en cause ces priorités étatiques en militant pour une budgétisation sensible au genre (BSG). Cette approche transformatrice implique l'intégration systématique d'une analyse de genre au cœur de la gestion des finances publiques, afin que les dépenses gouvernementales répondent effectivement aux besoins des femmes et des groupes marginalisés.

Dans des contextes tels que celui de l'Algérie post-conflit, les processus de relèvement tendent à ignorer l'importance des politiques économiques sensibles au genre, renforçant ainsi les discriminations systémiques. Selon l’économiste Diane Elson, les politiques macroéconomiques, notamment les décisions relatives aux dépenses publiques, sont rarement examinées sous l’angle du genre. Cette lacune a conduit à l’exclusion des besoins des femmes dans les efforts de reconstruction économique, les privant ainsi du soutien nécessaire pour reconstruire leurs vies et leurs communautés[1].

La budgétisation sensible au genre garantit que les allocations financières répondent directement aux disparités d'accès aux ressources, à l'emploi et à la protection sociale. En ciblant ces inégalités, elle œuvre à contrer les barrières systémiques qui excluent les groupes marginalisés des opportunités économiques et des services essentiels(2). Le relèvement au Rwanda après le génocide constitue un exemple notable de budgétisation sensible au genre réussie après un conflit. Ce cas illustre comment l'intégration de politiques économiques sensibles au genre peut conduire à une participation accrue des femmes au marché du travail et à l’amélioration des indicateurs de bien-être social. Il met ainsi en lumière l'importance des stratégies économiques féministes dans les contextes post-conflit, démontrant leur rôle dans la rupture des cycles d'exclusion et d'inégalité structurelle(3).

L'instabilité économique résultant d'un conflit perturbe souvent les filets de sécurité sociale dont dépendent les femmes dans la période post-conflit. Les services publics tels que les soins de santé, l'éducation et la protection sociale, indispensables pour la promotion de l'égalité des sexes, sont souvent sévèrement sous-financés, voire supprimés. Ce manque de financement durant la phase de relèvement traduit une tendance plus large à sous-estimer le travail non rémunéré des femmes et leurs contributions essentielles à la société. Avec le déclin de ces services, les femmes font face à une exclusion économique intensifiée, limitant leur accès aux besoins fondamentaux en termes d'éducation et de perspectives d'emploi, ce qui approfondit davantage les inégalités de genre(4). Une approche féministe du relèvement économique post-conflit vise à traiter les causes profondes de ces inégalités, y compris l'accès des femmes à la terre, à la propriété et au crédit, leviers majeurs de leur indépendance économique. Or, comme le soulignent des chercheuses féministes telles que Rania Kora, ces enjeux cruciaux sont fréquemment ignorés lorsque l'analyse de genre n'est pas intégrée au processus d'élaboration des politiques. En adoptant une planification financière et une budgétisation sensibles au genre, les gouvernements ont la possibilité de favoriser une reprise économique plus inclusive et pérenne, en accordant la priorité aux besoins des femmes et des groupes marginalisés(5).

 

L’économie féministe

L'économie féministe élargit de manière critique l'économie traditionnelle en mettant en lumière la manière dont le travail non rémunéré et non marchand – en particulier les soins et le travail domestique – soutient les économies tout en restant invisible dans les modèles conventionnels. L'ouvrage de Marilyn Waring, «Si les femmes comptaient», critique de manière systématique le système de comptabilité nationale des Nations Unies pour avoir exclu ces apports, ainsi que les ressources écologiques, des calculs du PIB, modifiant ainsi en profondeur la méthode de calcul du revenu national. La critique de Waring a été considérée comme un socle, entraînant des révisions des normes de comptabilité économique et donnant corps à la discipline de l'économie féministe(6).

L'économie féministe intègre également l'intersectionnalité, qui met en évidence la façon dont la race, la classe et le genre s'entrecroisent pour produire des réalités économiques différentes, remettant en question les politiques universelles(7). Elle souligne le rôle crucial du travail de soin dans le maintien des économies et appelle à un soutien sociétal et institutionnel au-delà de la simple évaluation marchande. L’économiste Nancy Folbre, par exemple, soutient que seul un investissement collectif dans le soin – en dehors des structures purement marchandes – peut alléger le fardeau disproportionné imposé aux femmes et garantir une répartition équitable des responsabilités de soin. Ce domaine s’est également élargi pour critiquer les structures capitalistes, proposer des modèles macroéconomiques centrés sur le soin et explorer des paradigmes alternatifs, tels que la provision sociale et les cadres de durabilité, comme résumé dans le Routledge Handbook of Feminist Economics.(8) Le budget sensible au genre est un outil clé dans ce processus. Il garantit que les dépenses publiques et la planification financière favorisent activement l'égalité des sexes en analysant la manière dont les ressources sont allouées et en comblant les lacunes dans des secteurs essentiels tels que les soins de santé, l'éducation et la protection sociale. Dans les économies rentières avec un financement étranger limité et des contrôles monétaires stricts, les organisations de la société civile (OSC) sont confrontées à des défis financiers qui entravent leur action en matière de justice de genre et de développement. De plus, les conflits perturbent la collecte de données spécifiques au genre, rendant difficile l'évaluation précise des conditions économiques et la mise en œuvre de politiques financières sensibles au genre dans les régions touchées.

Objectif de la recherche

Cette étude vise à explorer le rôle transformateur de l'économie féministe dans la reconstruction post-conflit, avec un accent particulier sur la budgétisation sensible au genre (BSG) comme outil essentiel servant à promouvoir l'égalité des genres ainsi que la justice sociale. La question de recherche centrale guidant cette enquête est la suivante :

Comment l'intégration de la budgétisation sensible au genre dans les stratégies de relèvement économique post-conflit aborde-t-elle les inégalités structurelles et promeut-elle le développement inclusif, en particulier pour les femmes et les communautés marginalisées ?

Alors que la phase post-conflit jette les bases de la reconstruction, de nombreux pays sont désormais entrés dans une phase relativement stable. Le succès à long terme de la budgétisation sensible au genre dépend de sa capacité à aller au-delà du rétablissement d'urgence immédiat et à concevoir des programmes de développement continus qui continuent d'autonomiser les groupes marginalisés. En capitalisant sur les acquis du relèvement initial d'après-conflit, les politiques actuelles qui recourent à la budgétisation sensible au genre permettent de soutenir la dynamique en faveur de l'égalité des sexes et de l'inclusion sociale, privilégiant ainsi une transformation structurelle aux solutions provisoires. Cette persistance assure que les progrès réalisés durant le relèvement se concrétisent par des avancées durables en termes de participation économique, de représentation politique et de bien-être social pour les femmes et les autres populations vulnérables.

Pour répondre à cette question, l'étude reconnaît que l'inégalité des sexes n'existe pas isolément, mais qu'elle est profondément imbriquée avec d'autres axes d'oppression, tels que la classe, l'ethnicité et la marginalisation historique. Cette approche garantit que l'analyse saisit les expériences différenciées des femmes et des autres groupes vulnérables dans le contexte post-conflit, plutôt que de les traiter comme une catégorie monolithique.

Cette recherche s’attache également à déterminer le niveau d’intégration des politiques sensibles au genre – en particulier la budgétisation sensible au genre – au sein des stratégies nationales de relèvement économique. Pour ce faire, l'étude présente des exemples du Rwanda comme référence pour un modèle de mise en œuvre de la budgétisation sensible au genre plus réussi et institutionnalisé. Tandis que le relèvement de l'Algérie reflète des inégalités structurelles persistantes et une gouvernance faiblement sensible au genre, le Rwanda est reconnu pour ses quotas de genre efficaces, sa forte présence politique féminine et sa budgétisation sensible au genre institutionnalisée.

Cet article se concentre sur des secteurs spécifiques, à savoir les soins de santé, la participation des femmes au marché du travail et la représentation politique. Cette approche ciblée permet un examen détaillé de la manière dont la budgétisation sensible au genre fonctionne dans des domaines clés qui ont un impact direct sur l'égalité des genres et l'inclusion sociale.

Un axe clé est l'analyse de l'allocation des budgets nationaux au secteur de la santé reproductive, avec un accent sur la manière dont ces allocations reflètent ou négligent les considérations de genre dans le processus de relèvement de chaque pays. Ce secteur a été sélectionné en raison de son impact direct sur le bien-être des femmes et des communautés marginalisées, et en tant qu'indicateur critique d'investissement social dans les contextes post-conflit. Si le Rwanda offre un exemple pertinent montrant comment la budgétisation sensible au genre peut être institutionnalisée dans les secteurs de la santé et des services sociaux pour produire des résultats tangibles, les efforts évolutifs de l'Algérie révèlent à la fois des opportunités et des défis dans l'application de stratégies similaires.

Les sections suivantes fournissent une évaluation de la budgétisation sensible au genre en Algérie, basée sur une analyse des données et de la législation de l'ère post-conflit, ainsi qu'un examen du budget alloué à la santé. Cet article présente un exemple instructif du Rwanda quant à la façon d'institutionnaliser l'égalité de genre dans la gestion des finances publiques et se termine par des recommandations à l’intention du gouvernement algérien.

 

Évaluation de la budgétisation sensible au genre en Algérie : lacunes en matière de données, obstacles institutionnels et héritages post-conflit.

Les expériences de l'Algérie et du Rwanda offrent des leçons très différentes sur le rôle des stratégies sensibles au genre dans les périodes de relèvement. Le chemin de l'Algérie reflète les difficultés d'une nation entravée par une volonté politique et une capacité institutionnelle limitées, où les efforts en faveur de l'équité entre les sexes demeurent fragmentés et lents. En revanche, le Rwanda s’est imposé comme un modèle de reconstruction post-conflit, démontrant comment la budgétisation sensible au genre peut façonner un avenir plus inclusif.(9)

La période algérienne dite de la "Décennie noire" (1991-2001) a été une période profondément traumatisante, laissant de profondes cicatrices dans toute la société. Sortant de 130 ans de colonisation, l'Algérie n'en était encore qu'aux premiers stades de la reconstruction lorsqu'elle a été plongée dans un conflit civil brutal. Cette décennie a non seulement dévasté l'infrastructure matérielle et économique du pays, mais a également remodelé ses normes sociales de manière durable. Le conflit a renforcé les valeurs conservatrices et a considérablement altéré le tissu socio-économique de la nation, des habitudes quotidiennes aux processus de décision gouvernementaux.

Les femmes ont supporté le poids d'une régression sociétale violente qui a redéfini les normes de genre et a restreint profondément leurs droits et libertés. Les groupes islamistes ont pris pour cible systématique les femmes – en particulier les professionnelles telles que les journalistes, les enseignantes et les avocates – les dépeignant comme l'incarnation de l'occidentalisation et de la désobéissance aux préceptes conservateurs. Des femmes ont été harcelées, enlevées, violées et parfois assassinées, tandis que des milliers d'autres ont été forcées à des mariages précoces ou à se retirer de l'éducation et de l'emploi(10). La violence a non seulement privé les femmes de sécurité physique, mais les a également expulsées des espaces publics. Le moindre déplacement devenait dangereux, ancrant des normes patriarcales qui cantonnaient les femmes au domicile.

L’héritage de cette période se fait encore profondément sentir. Bon nombre des normes sociales qui se sont établies pendant le conflit, telles que les codes vestimentaires conservateurs et les restrictions à la présence des femmes dans la vie publique et politique, restent ancrées dans la société algérienne à ce jour(11). Le traumatisme de la violence en temps de guerre reste largement non abordé, en particulier dans les cas de violence sexuelle, laissant aux femmes des séquelles psychologiques durables et renforçant le silence générationnel. Bien que l'Algérie ait introduit des quotas politiques de genre et certaines réformes, la participation significative reste limitée et la violence basée sur le genre demeure sous-déclarée(12). Contestant ces contraintes héritées, une nouvelle génération de femmes activistes, artistes et journalistes algériennes revendique maintenant l'espace et réécrit les récits. Mais elles le font dans un contexte de traumatisme non résolu et d'un État toujours hésitant à affronter son passé(13).

En Algérie, le long conflit civil (1991-2002) a également gravement fragilisé les institutions statistiques. Il en résulte des carences notables en matière de données ventilées par sexe, particulièrement pour ce qui est de l'emploi et de la participation à la vie économique. L'absence de ces informations vitales rend difficile l'intégration des perspectives de genre dans la budgétisation, empêchant de saisir pleinement les conséquences économiques du conflit sur les femmes(14).

De surcroît, le manque de données ventilées par sexe dans le budget national de l'Algérie pose des défis pour mesurer l'impact spécifique des politiques fiscales sur les femmes. En 2022, l'UNFPA a alloué 69 904 dollars américains au renforcement des systèmes de données et des preuves pour faire face aux inégalités. Sur ce total, le gouvernement a contribué 25 638 dollars américains (37%), tandis que l'UNFPA a contribué 44 266 dollars américains (63 %). Bien que cela témoigne d'un certain engagement à améliorer les systèmes de données, le manque général de transparence et de détail des rapports dans le budget national nuit à l'efficacité du suivi et de l'évaluation des initiatives spécifiques au genre(15).

L'enquête sur le budget ouvert (Open Budget Survey) de 2023, menée par l'International Budget Partnership (IBP), a attribué à l'Algérie 15/100 pour la transparence budgétaire, reflétant une disponibilité très limitée d'informations budgétaires détaillées, y compris les allocations sectorielles et spécifiques au genre. Les rapports soumis au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies lors de l'Examen périodique universel (EPU) de l'Algérie soulignent des lacunes importantes dans l'accessibilité aux services de santé et à la programmation sensible au genre. Les problèmes clés englobent l'absence d'une stratégie nationale globale relative à la lutte contre la violence basée sur le genre (VBG) et un soutien budgétaire insuffisant pour les services connexes. Ces difficultés se sont accentuées de manière significative durant la pandémie de COVID-19.(16)

En tant que pays riche en ressources, l'Algérie présente de nombreuses caractéristiques d'une économie de rente. Ce modèle permet aux autorités de fonctionner avec un certain degré d'autonomie vis-à-vis des institutions internationales et d'être sélectives dans l'adoption de normes internationales, telles que la budgétisation sensible au genre. En Algérie, le financement étranger est fortement restreint et le système monétaire est étroitement contrôlé. Par conséquent, les organisations de la société civile qui pourraient plaider en faveur de la budgétisation sensible au genre sont souvent confrontées à de graves contraintes financières dans cet environnement difficile. Il est difficile d'imaginer comment une planification financière sensible au genre pourrait être mise en œuvre en Algérie si le gouvernement lui-même n'adopte pas une telle approche, d'autant plus que le processus décisionnel est dominé par les hommes et en particulier par les acteurs conservateurs.

En février 2024, les femmes détenaient 7,9 % des sièges à l'Assemblée populaire nationale (32/407). Au Conseil de la Nation, les femmes occupaient 4,1 % des sièges (7/170). De plus, à la suite des élections présidentielles de 2024, 11,4 % des ministres du cabinet étaient des femmes, avec quatre femmes nommées à des postes ministériels.(17)

L'absence de programmes visant à promouvoir l'autonomisation des femmes et la répartition équitable des responsabilités domestiques affectera un grand nombre de femmes, étant donné que les femmes et les filles de 10 ans et plus en Algérie consacrent environ un quart (22,9 %) de leur temps aux soins non rémunérés et au travail domestique(18). Le temps disproportionné que les femmes et les filles en Algérie passent à effectuer des soins non rémunérés est un écart de genre mesurable auquel la budgétisation sensible au genre peut remédier. En intégrant ces données dans la planification budgétaire, le gouvernement pourrait allouer des ressources aux services et infrastructures qui réduisent et redistribuent les soins non rémunérés, tels que la garde d'enfants, les soins aux personnes âgées et l'amélioration de l'accès aux services de base. Sans ces affectations budgétaires sensibles au genre, ces inégalités perdureront, freinant la participation des femmes à l'activité économique et à la sphère publique.

Selon les dernières données de la Banque mondiale (2024), les femmes représentent environ 18 % de la population active totale de l'Algérie, contre plus de 70 % pour les hommes(19). L'Algérie a promulgué des lois visant à promouvoir l'égalité des sexes, y compris une législation qui impose l'égalité de rémunération pour un travail égal et interdit la discrimination basée sur le genre au travail. Néanmoins, l'application de ces lois reste incohérente. Les organisations de la société civile soulignent la nécessité de cadres de suivi plus solides et de campagnes de sensibilisation pour contester les normes sociétales et améliorer l'inclusion économique des femmes.(20)

La budgétisation sensible au genre pourrait aider à combler l’écart entre la réussite scolaire des femmes et leur faible taux de participation au marché du travail en veillant à ce que les ressources publiques soient allouées de manière à lever les obstacles structurels auxquels elles sont confrontées. Cela impliquerait d'intégrer l'analyse de genre à toutes les étapes du cycle budgétaire afin de déterminer comment les dépenses peuvent atténuer les inégalités. En Algérie, la budgétisation sensible au genre pourrait également mettre l’accent sur les investissements qui rendent le secteur privé plus attrayant et accessible aux femmes. Il pourrait s'agir de protections en milieu de travail, d'incitations à l'embauche et à la promotion des femmes et d'infrastructures qui réduisent le fardeau des soins non rémunérés. En alignant les décisions budgétaires sur les objectifs d'égalité de genre, le gouvernement pourrait traduire les acquis académiques des femmes en une participation économique significative, tout en concourant à une diversification économique plus large.

Les Algériennes maintiennent un niveau d'excellence académique. En 2023, le ministère de l'Enseignement supérieur a indiqué que les femmes représentent près de 60 % des diplômés universitaires à l'échelle nationale. Cet avantage éducatif ne s'est cependant pas encore traduit par une participation égale au marché du travail(21). Malgré les initiatives gouvernementales visant à améliorer les choses, la participation des femmes à la population active reste nettement inférieure à celle des hommes. Entre autres, l'économie rentière de l'Algérie a créé peu d'emplois dans des secteurs capables d'absorber un grand nombre de diplômés qualifiés, en particulier des femmes. Les postes dans la fonction publique demeurent le choix le plus prisé pour leur stabilité et leurs avantages, mais ils sont de plus en plus saturés. Le secteur privé, en revanche, se caractérise souvent par l'emploi informel, des salaires plus bas et des protections limitées, ce qui le rend moins attrayant pour les femmes et les hommes. Pour les femmes en particulier, le manque de politiques sensibles au genre et d'opportunités de promotion professionnelle limitent davantage la participation. Sans diversification économique et mesures ciblées, l'écart entre le niveau d'instruction et l'emploi significatif est susceptible de persister.

Si la présence accrue de femmes au gouvernement peut générer de solides ambassadrices institutionnelles pour la budgétisation sensible au genre, la faible représentation au parlement signifie un contrôle politique et une capacité d'influence réduits. Pour être efficace, la BSG exige non seulement des ministres femmes, mais aussi une représentation largement sensibilisée au genre au sein des commissions budgétaires, des organes de contrôle et de la gouvernance locale.

En 2025, l'Algérie a franchi des étapes considérables vers une gouvernance sensible au genre. La nomination de neuf femmes au poste de ministre représente un progrès marquant dans la représentation féminine au sein du pouvoir exécutif (Saada 2025)(22). Parallèlement, le lancement de la plateforme numérique « Himayati » (« Ma Protection ») en septembre 2025 par le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine démontre un investissement concret dans la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre (HIVOS-EU SEE 2025)(23). Ces avancées ouvrent des perspectives pour ancrer les pratiques de budgétisation sensible au genre dans le système des finances publiques algériennes. Il est impératif que les dotations budgétaires tiennent compte de la présence accrue de femmes décisionnaires, s'assurent que les ressources soient orientées vers les programmes d'émancipation et de protection des femmes, et intègrent des modalités participatives pour que les priorités budgétaires soient éclairées par la parole des femmes, tant dans l'exécutif que dans la société civile. En outre, le suivi des retombées des services rendus disponibles par l'intermédiaire de Himayati constitue un outil de redevabilité pour la budgétisation sensible au genre, garantissant que les moyens investis (lignes budgétaires) se traduisent par des services concrets et des résultats pour les femmes et les filles.

Budget de la santé en Algérie : le besoin urgent d'un financement sensible au genre et de soins de santé reproductive inclusifs.

Le budget du ministère de la Santé n'intègre pas systématiquement les principes de la budgétisation sensible au genre. Les dépenses sont rarement ventilées par genre ou allouées spécifiquement à la réduction des inégalités de santé liées au genre. Fait marquant, l'Algérie ne possède pas un cadre global pour la budgétisation sensible au genre, qui est pourtant indispensable pour que l'égalité des genres devienne une priorité dans les politiques de l'État(24). En dépit de l'importance cruciale des services de santé de la reproduction – tels que les soins de maternité, la planification familiale, les soins prénatals et postnatals – ces domaines bénéficient des financements limités qui, de plus, ne sont souvent pas ciblés. Ce manque de ressources dédiées entrave la capacité à suivre et à renforcer les investissements qui ont un impact direct sur la santé des femmes.(25)

Bien que les services de planification familiale aient été intégrés aux soins de santé primaires depuis la fin des années 1960, l'absence de lignes budgétaires spécifiques pour ces services continue de limiter leur expansion et leur efficacité.

Bien que le budget total du ministère de la Santé pour 2025 ait atteint environ 1 004 milliards de dinars (environ 7,6 milliards de dollars américains), la santé reproductive ne semble pas être une priorité dans cette allocation(26). Les efforts de plaidoyer de l'UNFPA Algérie ont souligné l'importance de renforcer les services de santé reproductive en assurant la fourniture de contraceptifs via des systèmes d'approvisionnement internationaux. Ces initiatives visent à améliorer la disponibilité et la durabilité des contraceptifs, mais nécessitent un soutien gouvernemental et des engagements budgétaires plus solides pour être étendues efficacement.(27)

Le système de santé joue un rôle essentiel dans le soutien aux survivantes de la violence à l'égard des femmes et des filles en fournissant des soins médicaux, un soutien psychologique et des références. Cependant, l'Algérie manque d'un budget explicitement consacré à la lutte contre la violence basée sur le genre. De nombreux services, tels que l'aide juridique, l'assistance sanitaire et les centres d’accueil, sont fournis par des ONG sans soutien stable de la part de l'État(28), en témoigne l'absence d'un budget sensible au genre avec des allocations spécifiques pour lutter contre la violence à l'égard des femmes et des filles.

En 2022, l'UNFPA a consacré 448 560 dollars américains à la lutte contre la violence basée sur le genre et les pratiques préjudiciables en Algérie. Sur ce montant, le gouvernement n'a contribué qu’à hauteur de 50 792 dollars américains (11 %), tandis que l'UNFPA a contribué quant à lui à hauteur de 325 328 dollars américains (73 %). Cette situation révèle une lourde dépendance à l'égard des fonds internationaux pour les projets de lutte contre la violence faite aux femmes et met en évidence le besoin d'augmenter les investissements nationaux dans ce domaine.(29)

La santé mentale des femmes, souvent influencée par des facteurs sociaux tels que l'inégalité de genre, est rarement priorisée ou dotée de financement spécifique. De même, les maladies chroniques qui affectent différemment les femmes, telles que l'ostéoporose et les maladies auto-immunes, n’ont pas de lignes budgétaires dédiées.(30) Les allocations budgétaires de santé et les infrastructures favorisent principalement les centres urbains, laissant les femmes dans les zones rurales et éloignées avec un accès réduit aux services tels que les soins prénatals et la planification familiale. Ce biais urbain exacerbe les inégalités.(31)

Pendant les crises telles que la pandémie de COVID-19, les réaffectations budgétaires se concentrent généralement sur le renforcement du système de santé général, avec une considération limitée pour les impacts spécifiques au genre, tels que l'augmentation de la violence domestique ou la perturbation des services de santé reproductive. La dépression post-partum est souvent mal comprise dans la société algérienne : les symptômes sont fréquemment attribués à des superstitions telles que la sorcellerie, la possession par des esprits ou la magie. Ce cadrage métaphysique empêche de nombreuses femmes d'accéder à des soins appropriés et aggrave ainsi leur souffrance. Les défenseurs féministes de la santé exhortent à l'adoption de l'échelle de dépression postnatale d'Édimbourg (EPDS) dans tous les établissements de soins prénatals et postnatals pour dépister systématiquement et prévenir la dépression post-partum.(32)

Par ailleurs, des plateformes féministes ont invité le gouvernement à considérer le recours excessif aux césariennes et la négligence des soins post-partum comme des crises nationales de santé des femmes. Une approche budgétaire sensible au genre garantirait une répartition équitable des ressources allouées à la santé, le renforcement des mécanismes de responsabilisation et la prise en compte des besoins spécifiques des femmes en matière de santé – notamment en ce qui concerne l’accouchement et la santé mentale – au cœur de la planification et des dépenses publiques. Selon le ministre algérien de la Santé, environ 21 % des naissances dans le pays ont lieu par césarienne. Cependant, une analyse plus approfondie révèle une disparité frappante entre les secteurs : près de 80 % des accouchements dans le secteur privé se font par césarienne, contre seulement 20 % environ dans le secteur public. Cela suggère que des motivations non médicales – et peut-être économiques ou liées à l’organisation – influencent les décisions obstétricales, en particulier dans les établissements privés(33).

 Les mouvements féministes exigent que le recours excessif aux césariennes soit reconnu comme une crise nationale de santé des femmes. Ils réclament une politique nationale et un mécanisme de suivi pour encadrer et réglementer le recours aux césariennes dans les secteurs public et privé, afin de garantir que ces interventions ne soient pratiquées que lorsque cela est médicalement nécessaire.(34)

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande un taux de césariennes entre 10 et 15 %, étant donné que les chiffres au-delà de cette marge n'apportent pas de bénéfices supplémentaires en termes de réduction de la mortalité maternelle ou néonatale. En Algérie, les établissements privés excèdent de loin ce seuil, ce qui laisse penser à un usage abusif des méthodes d’accouchement chirurgicales non justifiées médicalement.(35) Une étude menée en 2021 a révélé que 53 % des accouchements dans le secteur privé algérien se faisaient par césarienne, contre seulement 7 % dans les hôpitaux publics. Ces chiffres indiquent que des facteurs tels que la commodité des médecins, des marges de profit supérieures et potentiellement même des idées fausses ou des exigences de la part des patientes sont des facteurs qui expliquent le taux élevé de césariennes dans les cliniques privées.(36).

Cette pratique, qui consiste en une incision chirurgicale (de 3 à 5 cm) au niveau du périnée pour faciliter l'accouchement par voie basse, est souvent réalisée sans consentement éclairé et parfois même sans anesthésie. Bien que l'épisiotomie soit parfois médicalement nécessaire, son usage systématique pour accélérer le travail est contraire aux directives de l'OMS, qui préconisent une approche restrictive plutôt que systématique(37). Ce cas met en lumière la façon dont les inégalités de genre, la mauvaise réglementation et la désinformation convergent pour engendrer des résultats néfastes en matière de santé maternelle. La réduction des césariennes inutiles, la reconnaissance de la dépression post-partum comme un problème clinique et non métaphysique, et le respect de l'autonomie corporelle des femmes lors de l'accouchement doivent devenir des piliers fondamentaux des réformes de la santé reproductive en Algérie.

En Algérie, le congé de maternité a récemment fait l'objet d'une réforme significative visant à mieux protéger les droits et le bien-être des mères actives. Depuis janvier 2025, le gouvernement algérien a approuvé un projet de loi portant le congé de maternité de 14 semaines à 5 mois (150 jours) avec un maintien intégral du salaire tout au long de la période de congé. Une extension additionnelle pouvant atteindre 165 jours peut être accordée, en fonction de la gravité de l'état de santé de l'enfant(38). Ce changement positif vise à harmoniser l'Algérie avec les standards internationaux en matière de santé maternelle et de droit du travail. Il répond aux inquiétudes de longue date concernant les courtes périodes de congé de maternité et leur impact sur la santé maternelle et infantile, ainsi que sur la discrimination au travail(39). Malgré cette amélioration majeure, la loi a fait l’objet de critiques de la part des groupes féministes et des organisations de la société civile pour avoir exclu les mères qui ont la ḥaḍāna (la garde). Les femmes qui adoptent ou accueillent des enfants ne peuvent prétendre au congé de maternité, ce qui les prive du temps subventionné par l'État pour établir un lien avec l'enfant et en prendre soin. Cette lacune consolide une conception restrictive de la maternité et méconnaît le rôle de dispensatrices de soins et les droits des mères non biologiques. De telles omissions attestent d'un déficit d'intersectionnalité dans les politiques et les cadres budgétaires de santé, où les besoins des mères non biologiques – et, par extension, d'autres groupes marginalisés dans le domaine des soins – sont ignorés. Cette vision limitée entretient par conséquent les inégalités dans l'accès aux prestations sociales et de santé soutenues par l'État, compromettant l'établissement de systèmes de santé réellement inclusifs et sensibles au genre.

 

Leçons apprises du Rwanda

Genre et budgétisation dans la santé et le développement de la petite enfance

Le ministère de la Santé rwandais a intégré des stratégies sensibles au genre dans ses cadres budgétaires et politiques afin d'améliorer la santé reproductive des femmes. Le gouvernement a fait de la santé maternelle une priorité en élargissant leur accès à des soins prénatals et postnatals de qualité. Cela comprend le déploiement d'environ 58 000 agents de santé communautaires, dont les deux tiers (66 %) sont des femmes, pour fournir des services de santé maternelle au niveau communautaire. Elles offrent des services tels que le suivi de la grossesse et les orientations vers des établissements de santé, ce qui a contribué à une augmentation significative des accouchements en établissement. En 2016-2017, 98 % des femmes ont accouché dans des établissements de santé, entraînant une réduction des taux de mortalité néonatale et infantile(40).

Reconnaissant l'impact de la violence basée sur le genre sur la santé des femmes, le Rwanda a mis en place des centres de services intégrés pour soutenir les survivantes. Par exemple, l’Isange One Stop Center, lancé en 2009, fournit des soins médicaux, des conseils, une assistance juridique et un hébergement de courte durée aux victimes de violence basée sur le genre. Cette approche holistique garantit que les survivantes reçoivent un soutien complet en un seul endroit(41).

L'engagement du Rwanda en faveur des services de santé sensibles au genre est en outre démontré par des objectifs de performance spécifiques décrits dans les stratégies nationales, notamment la stratégie nationale de transformation (NST1, 2017–2024) qui comprend des objectifs visant à intensifier les services de développement de la petite enfance (DPE) au niveau du village. Cette initiative vise à fournir des soins complets aux enfants, y compris la santé, la nutrition et le développement cognitif, soutenant ainsi les rôles des femmes en tant que principales dispensatrices de soins et promouvant l'égalité des sexes. En intégrant les services de développement de la petite enfance dans les communautés locales, le gouvernement facilite un meilleur accès et encourage la participation des hommes aux soins(42). 

Le ministère de la Santé collabore avec d'autres secteurs pour mettre en œuvre des programmes communautaires qui soutiennent le développement de la petite enfance. Par exemple, les agents de santé communautaires sont formés pour éduquer les personnes en charge des enfants sur leur santé et leur développement, renforçant l'importance des interventions précoces et de l'implication parentale. Ces efforts contribuent à améliorer les résultats en matière de santé infantile et à alléger une partie du fardeau des soins traditionnellement dévolu aux femmes(43).

En collaboration avec l'UNFPA et le ministère des TIC et de l'Innovation, le Rwanda développe des plateformes numériques pour fournir des informations précises sur la santé et les droits sexuels et reproductifs. Ces plateformes visent à prévenir la violence basée sur le genre et à soutenir les survivantes en offrant des informations essentielles, des mécanismes de signalement et un accès à des services de soutien en ligne(44).

Afin de garantir l'efficacité de la budgétisation et des politiques sensibles au genre, le Rwanda a mis en place des mécanismes de suivi robustes. Le Bureau de suivi du genre (Gender Monitoring Office - GMO) a été créé en 2007 et contrôle le respect des principes d'égalité de genre dans les secteurs public et privé. Il évalue la mise en œuvre de la budgétisation sensible au genre, évalue la qualité des services offerts aux victimes de violence basée sur le genre et plaide pour le respect de l'égalité de genre à tous les niveaux(45). L'expérience du Rwanda démontre ainsi comment une forte volonté politique et un engagement institutionnel peuvent transformer la budgétisation sensible au genre en une puissante locomotive d'amélioration de la santé et du bien-être social des femmes.

 En revanche, l'Algérie se trouve à la croisée des chemins, confrontée aux obstacles structurels, culturels et financiers qui continuent d'entraver la pleine intégration des perspectives de genre dans la planification sanitaire et les dépenses publiques. Alors que le pays s'engage dans des pratiques budgétaires plus inclusives, notamment en matière de santé reproductive et de politique de maternité, son parcours illustre à la fois l'impératif et la complexité d'aligner les budgets nationaux sur les objectifs d'égalité de genre, en s'inspirant du succès rwandais.

L'adhésion de l'Algérie aux principes du développement de la petite enfance et des services de santé sensibles au genre est en phase avec les principes de la budgétisation sensible au genre, qui cherche à garantir que les ressources publiques ciblent efficacement les inégalités et répondent aux besoins spécifiques des femmes et des enfants. L'Algérie a commencé à intégrer les perspectives de genre dans sa gestion des finances publiques. Par exemple, le Ministère des Finances, en collaboration avec des partenaires internationaux tels qu'ONU Femmes et le PNUD, a lancé des initiatives pour renforcer la budgétisation sensible au genre, visant à optimiser l'affectation et le suivi des ressources en faveur de l'égalité des sexes, y compris dans la santé et les services sociaux. Malgré ces progrès, l'incidence concrète de la budgétisation sensible au genre dans les secteurs sociaux algériens (tels que les programmes pour la petite enfance et la santé scolaire) demeure limitée par des manques en matière de capacités, de données disponibles et par le besoin d'une coordination institutionnelle accrue. Cela affecte sa capacité à garantir un financement suffisant et orienté pour les interventions sensibles au genre, y compris celles conçues pour réduire les écarts dans les résultats du développement de l'enfant(46). Le renforcement continu des mécanismes de budgétisation sensible au genre est crucial pour combler l'écart entre les engagements politiques de l'Algérie et la prestation de services effective en matière de soins de santé sensibles au genre et de développement de la petite enfance. Une budgétisation ciblée qui donne la priorité aux groupes vulnérables peut aider à remédier aux inégalités persistantes liées au statut socio-économique et à améliorer l'accès équitable à des services de qualité pour tous les enfants et toutes les familles.

Institutionnalisation de l'égalité de genre dans les finances publiques

Au Rwanda, la reconstruction post-génocide a fait de la reconstruction institutionnelle et de l'équité de genre une priorité. L’Office national des statistique a collecté des données désagrégées par genre pour soutenir la budgétisation sensible au genre. Bien que des défis persistent, en particulier dans les zones rurales où le travail informel des femmes est sous-déclaré(47), le Rwanda a investi dans la formation des décideurs politiques et l'intégration de la budgétisation sensible au genre dans tous les secteurs. Malgré des lacunes de mise en œuvre dans les domaines de l'agriculture et de la protection sociale, des initiatives telles que le Fonds de garantie des femmes et les réformes foncières ont accru la participation économique des femmes et réduit la pauvreté dans les ménages dirigés par des femmes. La Constitution de 2003 a imposé une représentation féminine d'au moins 30 %, ce qui a conduit à ce que plus de 60 % des sièges parlementaires soient occupés par des femmes et à un taux de participation des femmes au marché du travail de 86 % en 2021(48).

En revanche, les efforts de l'Algérie en matière de planification financière sensible au genre se heurtent à des obstacles institutionnels et techniques. Le manque d'expertise, la faible coordination interministérielle et la résistance politique entravent la mise en œuvre de cadres sensibles au genre. Bien que dispositifs légaux de protection des femmes existent, leur application est insuffisante et le taux d'activité féminin stagne autour de 19 %. Les organisations de la société civile sont également confrontées à des restrictions en vertu de la loi n° 12-06, qui limite leur capacité à promouvoir de l'égalité de genre et à influencer la politique publique(49). De plus, la collaboration limitée du gouvernement algérien avec les organisations féministes a entravé les efforts visant à élaborer des politiques de redressement sensibles au genre(50). Des normes conservatrices profondément enracinées et une méfiance politique ont marginalisé les organisations de la société civile, tandis que les contraintes imposées par l'État semblent avoir pour but de limiter leur pouvoir d'influence sur les décisions publiques. Cette situation met en évidence le besoin d'une gouvernance plus ouverte qui donne à la société civile les moyens de promotion de l'équité de genre.

La réussite du Rwanda démontre l'importance de la volonté politique et d'institutions fortes pour avancer dans les processus de relèvement sensible au genre. La Constitution de 2003 exige un minimum de 30 % de femmes dans les organes de décision, ce qui a dynamisé leur participation à la gouvernance. De plus, la budgétisation sensible au genre a été intégrée à l'échelle de tous les ministères pour garantir une répartition équitable des ressources(51).

 L'expérience de l'Algérie montre que le fait de négliger l'équité de genre dans le relèvement post-conflit peut aggraver les inégalités et entraver le développement durable. Cela met en évidence la nécessité de placer l'équité de genre dans les stratégies de relèvement pour un progrès durable et inclusif(52). Un rétablissement inclusif repose sur une étroite collaboration entre le gouvernement et les organisations de la société civile et sur l'utilisation de données ventilées par genre pour éclairer les politiques. Cette démarche renforce la résilience économique et promeut l'équité, particulièrement pour les groupes marginalisés(53). Une budgétisation sensible au genre (BSG) efficace requiert une volonté politique ferme, un soutien institutionnel et l'engagement de la société civile. Le Rwanda l'illustre par ses quotas de genre et par son Ministère du Genre qui pilote les réformes. Son approche intégrée montre comment une action déterminée peut mener à des progrès réels vers une société plus équitable.

L'Algérie a pris des mesures en faveur de l'égalité des sexes. Le Plan d'action national pour l'égalité de genre fournit un cadre solide, mais les avancées sont lentes. Les difficultés de mise en œuvre ont limité son impact, soulignant le besoin d'un engagement politique plus ferme et d'une exécution plus efficace pour engendrer un véritable changement.

 

Conclusion

Cette recherche a exploré le rôle essentiel de la budgétisation sensible au genre en tant qu'outil transformateur pour promouvoir l'équité et le développement inclusif dans les contextes touchés par des conflits et fragiles, en se concentrant sur l'Algérie. Elle a également présenté les leçons tirées d'un contexte similaire, à savoir le Rwanda, qui a mis en œuvre l'intégration de la dimension genre dans la politique budgétaire. Le Rwanda démontre comment une volonté politique soutenue, un engagement institutionnel et des cadres politiques inclusifs peuvent conduire à des résultats significatifs en matière d'égalité de genre et de développement social. L'Algérie, en revanche, illustre les défis de la mise en œuvre de la budgétisation sensible au genre dans un contexte où les dépenses militaires absorbent une part prépondérante du budget national et où les considérations de genre sont souvent marginalisées. Les conclusions indiquent que la BSG n'est pas un simple exercice technique, mais un impératif politique et sociétal nécessitant une redéfinition des priorités nationales.

Dans les contextes marqués par des normes patriarcales enracinées et des héritages post-conflit, la budgétisation ignorant la dimension genre renforce les inégalités structurelles, en particulier pour les femmes et les communautés marginalisées, qui demeurent exclues des opportunités économiques et de l'accès aux services de base. L'adoption d'une perspective économique féministe – et surtout intersectionnelle – dans la gestion des finances publiques offre une piste pour corriger ces déséquilibres et construire des sociétés plus justes et résilientes. Le développement social, économique et politique de l'Algérie ne peut être soutenu que par un sincère engagement en faveur d'une gouvernance inclusive, d'institutions transparentes et d'un engagement civique significatif.

Ces dernières années, les revendications de réformes se sont multipliées – portées par la jeunesse, les mouvements de femmes, la société civile et les universitaires – appelant à un nouveau contrat social fondé sur la justice, la redevabilité et l'égalité des chances. Pour y répondre efficacement, le gouvernement doit aller au-delà des mesures symboliques et s'engager dans une mutation structurelle qui place l'équité, la participation et les droits de l'homme au cœur de la gestion publique. L'égalité des sexes, la transparence et la coopération intersectorielle ne doivent plus être des vœux pieux ; elles doivent devenir des pratiques intégrées dans les systèmes nationaux.

 

Recommandations au gouvernement algérien

1. Réforme institutionnelle et transparence des données

Renforcer l'autonomie, l'efficacité et la numérisation des institutions étatiques, en particulier celles liées à la planification, aux statistiques et à l'audit.

Ordonner à tous les ministères de divulguer publiquement des budgets annuels détaillés et de fournir des rapports complets à la fin de chaque exercice budgétaire, montrant comment les fonds ont été alloués et utilisés.

2. Budgétisation sensible au genre et inclusive

 

Adopter la budgétisation sensible au genre comme politique nationale essentielle, avec des évaluations claires de l'impact sur le genre dans tous les ministères.

Inscrire les principes de la budgétisation sensible au genre dans la Constitution algérienne, inspirés de modèles tels que le Rwanda, pour garantir une responsabilisation à long terme.

3. Institutionnaliser l'intersectionnalité dans l'élaboration des politiques

Intégrer des approches intersectionnelles qui tiennent compte des formes de discrimination qui se chevauchent (genre, région, âge, handicap, statut socio-économique) à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre et de l'évaluation des politiques.

Exiger la collecte de données ventilées pour surveiller la façon dont les différents groupes de population sont touchés par les politiques et services publics.

 

4. Relancer et élargir le système de quotas

 

Renforcer le système de quotas pour la représentation des femmes au parlement et à tous les niveaux de gouvernance (conseils locaux, administration publique, pouvoir judiciaire).

Veiller à ce que les programmes de mentorat, de formation politique et de développement du leadership accompagnent les quotas pour les femmes et les groupes sous-représentés.

5. Collaboration interministérielle et cohérence des politiques

 

Promouvoir la coordination interministérielle pour éviter la fragmentation des politiques, en particulier dans des domaines tels que l'égalité des sexes, l'engagement des jeunes et l'action climatique.

 

 

Établir des groupes de travail conjoints (par exemple, une unité pour l'égalité de genre) entre les ministères des finances, de l'éducation, de l'intérieur, de l'environnement et des affaires féminines pour aligner les priorités et mettre en commun les ressources efficacement.

6. Engagement civique et responsabilisation

Institutionnaliser la gouvernance participative en créant des mécanismes formels de consultation de la société civile dans les processus politiques nationaux et locaux.

Assurer l'accès du public aux informations budgétaires, aux projets de politique et aux rapports d'évaluation par le biais de portails de données ouvertes et de briefings publics réguliers.

Recommandations aux organisations de la société civile (OSC)

Surveiller activement les dépenses publiques et la mise en œuvre des politiques par le biais d'un suivi budgétaire indépendant, de rapports parallèles et d'audits citoyens.

Faire pression en faveur de la budgétisation sensible au genre et de l'inclusion d'approches intersectionnelles dans l'élaboration des politiques en générant des preuves, en tenant des dialogues avec les décideurs et en amplifiant les voix des communautés.

Promouvoir des réformes politiques inclusives et répondre aux besoins spécifiques des femmes, des filles, des personnes handicapées et des communautés rurales.

Favoriser des coalitions entre les organisations de la société civile nationales, les mouvements locaux, les initiatives menées par les jeunes et les institutions universitaires pour créer une voix unifiée sur les questions nationales clés.

Renforcer les capacités internes en matière de recherche, d'analyse des politiques, d'outils numériques, de suivi et d'évaluation, et d'intégration du genre et de l'inclusion sociale.

Plaider pour un environnement juridique propice aux OSC, y compris la liberté d'association, d'expression et l'accès au financement.

Fournir des alternatives politiques basées sur des données, des informations communautaires et une expertise technique pour influencer les réformes d'une manière fondée et légitime.

Recommandations aux organisations internationales et aux donateurs

Localiser le financement : passer de modèles de financement descendants à un financement à long terme plus accessible pour les organisations locales et communautaires, en réduisant les obstacles bureaucratiques.

Soutenir la réforme juridique et politique : fournir une assistance technique pour réviser et mettre en œuvre des politiques qui promeuvent la gouvernance démocratique, les libertés civiles et le développement inclusif.

Renforcer la protection des droits de l'homme : surveiller et signaler les problèmes d'espace civique et assurer la protection et la solidarité aux défenseurs des droits de l'homme menacés et aux médias indépendants.

Encourager la coopération régionale et transfrontalière : faciliter l'apprentissage Sud-Sud et la collaboration régionale.

 

 

 [1] Elson, D. (2002): Gender Justice, Human Rights, and Neo-Liberal Economic Policies, in: Molyneux, M. and Razavi, S. (eds) Gender Justice, Development, and Rights (Oxford University Press).

[2] Elson, D. (2002). See n. 2 above. 

[3] Christine M. and Kaldor, M. (2013): Gender and New Wars, in: Journal of International Affairs, 67(1): 167–187.

[4] Benería, Lourdes; Berik, Günseli; Floro, Maria S. (2015): Gender, Development and Globalization: Economics as if All People Mattered (New York: Routledge).

[5] Kora, Rania (2018): Feminist Economics and Post-Conflict Recovery: Rethinking Economic Governance (London: Routledge).

[6] Waring, M. (1988): If Women Counted: A New Feminist Economics (New York: Harper & Row).

[7] Institute for Economic Justice (2020): Intersectionality and feminist economics: A call for radical transformation, 25 June. Available at: https://iej.org.za/blogs/intersectionality-and-feminist-economics-a-call-for-radical-transformation/

[8] Berik, G. and Kongar, E. (eds) (2021): The Routledge Handbook of Feminist Economics (London: Routledge). 

[9] Turshen, Meredeth (2002): Algerian Women in the Liberation Struggle and the Civil War: From Active Participants to Passive Victims?, in: Social Research, 69(3): 889–911. Johns Hopkins University Press.

[10] Roberts, H. (2003): The Battlefield Algeria: Civil Conflict and the Role of Women (London, Routledge).

 

[12] Che Cheref, A. (2010). Gender and Identity in North Africa: Postcolonialism and Feminism in Maghrebi Women’s Literature. Library of Modern Middle East Studies, vol. 94. I.B. Tauris (Bloomsbury Publishing) 

[13] Cheref (2010), see n 12 above. 

[14] World Bank (ND): Gender-responsive budgeting and related resources [Collection]. World Bank Open Knowledge Repository. Available at: https://openknowledge.worldbank.org/collections/cb3b77cb-0b29-549f-b832-5d146adc92e8?spc.page=1

[15] United Nations Population Fund (UNFPA) (2022): UNFPA Algeria programme data. UNFPA Transparency Portal – Algeria [online]. Available at: https://www.unfpa.org/data/transparency-portal/unfpa-algeria

[16]United Nations Human Rights Council (2022): Report of the Working Group on the Universal Periodic Review: Algeria – Third Cycle (A/HRC/49/13) (Geneva: United Nations). 

[17] Middle East Women’s Coalition (2024): Algeria presidential election 2024: Political participation and election monitoring. Monitoring Women’s Political Participation & Elections in Africa [online]. Middle East Women’s Coalition. Available at: https://www.mewc.org/index.php/tools/political-participation-a-election-monitroing/2024-elections-monitoring/12394-algeria-presidential-election-2024

[18] 5UN Women (2024): Algeria country data: Time use and unpaid care work. UN Women Data Hub [online]. Available at: https://data.unwomen.org/country/algeria 

[19] World Bank (2024): Labor force participation rate by sex – Algeria. World Bank Data [online]. Available at: https://data.worldbank.org/indicator/SL.TLF.CACT.FE.ZS?locations=DZ

[20] UN Women Algeria Country Office (2023): Gender Equality Policy Review.

[21] Ministry of Higher Education and Scientific Research, Algeria (2023): Annual Statistical Report. Available at: www.mesrs.dz/index.php/en/home/

[22] Saada, H. (2025). More Women in Government: A Powerful Signal for Female Empowerment in Algerian Politics. DzairTube. Retrieved from, 14.Dec-2025 https://www.dzair-tube.dz/en/more-women-in-government-a-powerful-signal-for-female-empowerment-in-algerian-politics/ دزاير توب

[23] Himayati is A New Opportunity for CSOs to Strengthen Gender‑Based Violence Response in Algeria. (2025, September 16). EU SEE/Hivos. Himayati” (“My Protection”) to allow women to report violence securely, access support, and connect with key institutions. For more information See: Himayati: A New Opportunity for CSOs to Strengthen Gender-Based Violence Response in Algeria - Eu SEE

[24] United Nations Economic and Social Commission for Western Asia (UNESCWA) (2024): SDG 5: Achieve gender equality and empower all women and girls, in: Arab Sustainable Development Report 2024 (Beirut, UNESCWA, pp. 113–135). Available at: https://www.unescwa.org/sites/default/files/pubs/pdf/arab-sustainable-development-report-2024-english.pdf.

[25] Algeria Invest (2024): Budget 2025: cinq secteurs concentrent l’essentiel des dépenses de l’État. Algeria Invest [online]. Available at: https://algeriainvest.com/fr/premium-news/budget-2025-cinq-secteurs-concentrent-lessentiel-des-depenses-de-letat

[26] Algeria Invest (2024), see n 23 above. 

[27] UNFPA Algeria (2017): Advocacy for Algeria’s procurement of commodities. UNFPA Algeria [online]. Available at: https://algeria.unfpa.org/en/advocacy-algerias-procurement-commodities

[28] Ghanem, D. (2021): Algeria: War Against Women. Middle East Institute [online]. Available at: https://www.mei.edu/publications/algeria-war-against-women

[29] EuroMed Feminist Initiative (EFI-RCSO) (2020): Algeria. EFI-RCSO [online]. Available at: https://www.efi-rcso.org/index-page/algeria

[30] World Health Organization (WHO) (2021): Noncommunicable Diseases Country Profiles 2021: Algeria. WHO [online]. Available at: https://www.who.int/publications/m/item/ncd-country-profiles-2021

[31] Chabane, R. and Khelifa, A. (2024): Quality of life in Algeria: reality and perspective. ResearchGate [online]. Available at: https://www.researchgate.net/publication/390632992_Quality_of_life_in_Algeria_reality_and_perspective

[32]Le journal féministe Algérien.

[33]APS (2024): نسبة الولادات القيصرية في الجزائر تتجاوز 60 بالمئة. Algerie Presse Service. Available at: https://www.aps.dz/ar/algerie/1315760

[34]Ultra Algeria (2023): الولادة القيصرية في الجزائر: ممارسات ربحية تهدد الصحة العمومية. UltraAlgeria. Available at:

[35] World Health Organization (WHO) (2015): WHO Statement on Caesarean Section Rates. WHO [online]. Available at: https://www.who.int/publications/i/item/WHO-RHR-15.02

[36] Benaissa, A. and Belhadi, S. (2021): Prevalence and Determinants of Caesarean Sections in Algeria, in: International Journal of Reproduction, Contraception, Obstetrics and Gynecology, 10(7): 2655–2660Available at: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33786693

[37] Annasr Online (2022): الشق المهبلي: عنف طبي مسكوت عنه في الجزائر. ."Annasr is a local  News Paper on 02.09.2022. Available at: https://www.annasronline.com/193931-2022-02-09-20-50-25.

 

[38] Ministry of Labour and Social Security (MTESS) (2025): قانون الأمومة الجديد., MTESS. Available at: https://www.mtess.gov.dz/ar

[39] International Labour Organization (ILO) (2023): Maternity protection resource package: From aspirations to reality for allhttps://webapps.ilo.org/public/libdoc/ilo/2012/112B09_56_engl.pdf

[40] Government of Rwanda (ND): Social Transformation. Available at: https://www.gov.rw/highlights/social-transformation

[41] U.S. Department of State. (2010). Trafficking in persons report 2010: Country narratives – Countries N through Z. Archived from the original on June 17, 2010. Retrieved February 19, 2023, from https://2009-2017.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/2010/

 

[42] IMF (2023): Gender Budgeting Practices in Sub-Saharan Africa, in: Lisa L Kolovich and Monique Newiak (eds) Gender Equality and Economic Development in Sub-Saharan Africa (Chapter 16). Available at: www.elibrary.imf.org/display/book/9798400246968/CH016.xml

[43] Binagwaho, A., et al. (2016): Early childhood development in Rwanda: a policy analysis of the human rights legal framework, in: BMC International Health and Human Rights, 16(9). Available at: https://bmcinthealthhumrights.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12914-016-0076-0

[44] UNFPA Rwanda (2021): UNFPA and Ministry of ICT Join Forces to Harness Technology for Gender Equality and Reproductive Health, UNFPA in Rwanda, 26 March. Available at: https://rwanda.unfpa.org/en/news/unfpa-and-ministry-ict-join-forces-harness-technology-gender-equality-and-reproductive-health

[45] Gender Monitoring Office (n.d.): Overview. Available at: https://www.gmo.gov.rw/about-gmo/overview

[46] OECD (2022): Gender-responsive budgeting. Available at: https://www.oecd.org/gov/budgeting/gender-responsive-budgeting.htm

[47] World Bank (2018). UNDP (2020): Gender-Responsive Budgeting in North Africa: Challenges and Opportunities.

[48]Inter-Parliamentary Union (2020): Women in politics: Rwanda’s leadership role. Available at: https://www.ipu.org/file/11349/download

[49] Human Rights Watch (2021): Algeria: Effort to dissolve prominent civic association [Online]. New York. 11 October. Available from: https://www.hrw.org/news/2021/10/11/algeria-effort-dissolve-prominent-civic-association

[50] Cheriet, B. (1996): Gender, civil society and citizenship in Algeria. Middle East Report 198 (Spring 1996). Available at: https://merip.org/1996/03/gender-civil-society-and-citizenship-in-algeria/ 

[51] Gender Monitoring Office (2019): The state of gender equality in Rwanda: from transition to transformation. March. Available at: https://e-ihuriro.rcsprwanda.org/wp-content/uploads/2023/06/THE-STATE-OF-GENDER-EQUALITY-IN-RWANDA-FROM-TRANSITION-TO-TRANSFORMATION.pdf

[52] Charrad, M.M. (2001): States and women's rights: the making of postcolonial Tunisia, Algeria, and Morocco (Berkeley, University of California Press).

[53] Elson, Diane (2013): Gender Equality and Economic Policy: A Feminist Perspective.