24.11.2017

Conférence Régionale pour Lancement de Publication

Une nouvelle publication est parue pour mettre la lumière sur les causes des injustices économiques, présenter des alternatives potentielles pour de nouvelles politiques économiques dans la région MENA et relancer ainsi le débat socio-économique pour un futur juste.

Une nouvelle publication est parue pour mettre la lumière sur les causes des injustices économiques, présenter des alternatives potentielles pour de nouvelles politiques économiques dans la région MENA et relancer ainsi le débat socio-économique.

Le livre, composé de sept chapitres rédigés par des experts internationaux de la région, a été lancé publiquement à Tunis les 24 et 25 Novembre 2017. Le livre a été produit par le projet "Pour un développement socialement juste dans la région MENA", un des projets régionaux de la FES au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Le projet est le résultat de près de trois années de travail d'un groupe d'universitaires dévoués, venants de divers horizons académiques et / ou ayant une expérience dans plusieurs pays arabes. Afin d'assurer une perspective véritablement régionale et d'inclure différents griefs, propositions et réflexions de cette région diversifiée, une série de consultations des parties prenantes dans onze pays ont eu lieu en 2016. Sur la base de ces consultations, les auteurs ont formulé leurs recommandations de politiques finales.

L'aspect central de l'analyse dans le livre repose sur la conclusion que les politiques économiques adoptées par la plupart des pays de la région MENA ont systématiquement contribué à l'injustice sociale, aux inégalités, à la marginalisation, à la pauvreté et au chômage. En plus de la répression politique et de l'autoritarisme, ces facteurs ont été les principales causes des soulèvements arabes en 2010/11. Depuis lors, l'injustice socio-économique a continué de croître. En même temps, ces injustices ont reçu moins d'attention publique et internationale par rapport aux aspects de la sécurité et de la démocratisation à la suite du Printemps arabe. Dans ce contexte, le livre étudie les facteurs sous-jacents du développement socio-économique qui sont actuellement au point mort et de l'injustice sociale croissante dans les pays arabes. L'objectif est de sensibiliser aux relations causales entre ces facteurs et les choix de politiques économiques inspirés par le néolibéralisme et de stimuler un débat sur des politiques alternatives susceptibles d'améliorer la justice sociale et d'améliorer les conditions de vie de la population de la région.

En plus du lancement de la publication, la conférence de Tunis a été conçue pour atteindre quatre objectifs principaux :

  • Premièrement, la présentation publique des chapitres du livre par les auteurs
  • Deuxièmement, offrir un espace pour la présentation des études de cas des politiques économiques
  • Troisièmement, initier des discussions théoriques entre les participants sur des questions cruciales liées à la justice sociale et aux politiques économiques dans la région 
  • Enfin réfléchir aux solutions et aux stratégies qui contrecarrent les politiques économiques néolibérales dans la région et plaider en faveur d'une justice sociale équitable et d’un développement écologiquement durable.

La pertinence de ces débats ne consiste pas seulement à aborder une question politique fondamentale mais fortement négligée dans la région, à savoir la justice sociale. Dans le même temps, le rassemblement d'un si grand nombre de militants, d'universitaires, de syndicalistes et d'autres parties prenantes de toute la région a permis d'aborder la question sous différents angles et à la lumière de l'actualité sociale, environnementale et développementale ainsi que les défis économiques de chaque pays.

La conférence a été lancée par une discussion entre tous les invités, les universitaires tunisiens et les étudiants de l'Université de Tunis. Le livre a d'abord été présenté et un panel d'experts différents a élaboré comment le champ académique de l'économie pourrait être repositionné pour développer et enseigner une nouvelle pensée économique qui pourrait prendre en compte le besoin de justice et de développement. La conférence a été rejointe par un grand nombre de jeunes de toute la région, qui avaient été invités par la FES à participer aux débats et à partager les expériences des jeunes.

Après ce débat initial, la conférence publique a été lancée par un discours sur "Le néolibéralisme contre la justice sociale : une alternative politique en temps de crise" par Alfredo Saad Filho de SOAS, Londres. Filho a enrichi la conférence par une analyse de l'impact de la financiarisation sur tous les aspects de la vie en raison de la domination mondiale du néolibéralisme. Il a également souligné les expériences d'autres pays du monde, notamment en Amérique latine, en traitant du néolibéralisme et a souligné le rôle vital de la société civile, de l'activisme, des syndicats, de l'opposition politique et du réseautage dans l'amélioration de la justice sociale. Son intervention a été suivie d'une discussion de groupe sur la prédominance mondiale du discours néolibéral et comment cela a pris de la présence dans le monde arabe. Parmi les participants dans ce panel entre autres les chercheurs Gilbert Achcar et Mohamed Saadi.

Pour la suite de l’avancement de la conférence, les participants ont été répartis sur quatre sessions parallèles, au cours desquelles les participants ont discuté et analysé les principaux problèmes socio-économiques de la région qui sont :

  1. Politiques commerciales et fiscales dans la région MENA : L'objectif principal de la session était d'évaluer l'impact des politiques d'inspiration néolibérale sur le commerce (principalement les libéralisations) et les politiques fiscales (principalement l'austérité et la fiscalité régressive) en termes de justice sociale.
  2. Effets économiques et sociaux du changement climatique, de la souveraineté alimentaire, de la disparité régionale et de l'inégalité dans la région MENA : Au cours de cette session, les discussions ont porté sur les disparités sociales et régionales dans différents pays de la région. Les effets dévastateurs de l'exploitation capitaliste des ressources naturelles aggravent les effets du changement climatique et de la marginalisation sociale globale pour de nombreuses communautés, en particulier, ceux qui vivent sur les marges sociales et géographiques des sociétés.
  3. Politiques de l'emploi et protection sociale dans la région MENA : Cette session a porté sur la question de savoir comment des politiques de l'emploi nouvelles et innovantes peuvent résoudre l'un des problèmes majeurs de la région, à savoir, le chômage et le sous-emploi. En outre, ils ont débattu de la manière dont des programmes bien ciblés de protection sociale peuvent améliorer la justice sociale dans la région en fournissant une aide ciblée à ceux qui en ont le plus besoin.
  4. Donateurs internationaux, institutions financières, influence étrangère : Lors de la dernière séance en petits groupes, le débat s'est concentré sur les demandes des institutions financières internationales, principalement le FMI, sur les économies de la région. Grâce à la conditionnalité attachée aux prêts et aux accords de crédit, le FMI force de nombreux pays à entreprendre des programmes d'ajustement structurel pour réduire les dépenses publiques et la stabilité budgétaire. Bien que cela soit certainement nécessaire, les aspects de la justice sociale sont souvent négligés et les acteurs internationaux doivent également prendre en compte les couches les plus faibles de la société.

Ces ateliers ont été lancés avec des études de cas de différents pays sur ces sujets. Dans la seconde partie des sessions en petits groupes, un espace a été réservé à la réflexion sur les stratégies et les possibilités de plaidoyer efficace et de lobbying politique en faveur de la justice sociale. Les questions principales de ces discussions étaient ce qui pourrait être fait pour augmenter la coopération régionale et la collaboration entre les acteurs, qui s'efforcent de contrer le néolibéralisme dans la région et comment un plaidoyer collectif pour des politiques économiques alternatives socialement justes pourrait commencer.

Les résultats et les recommandations de la conférence sont très prometteurs et constituent une bonne orientation pour les futures stratégies de plaidoyer aux niveaux national, régional et international. Les points suivants résument les principales solutions et stratégies proposées pour surmonter la domination discursive et politique du néolibéralisme :

Renforcer les connaissances sur les politiques économiques alternatives en fournissant des études alternatives et des preuves scientifiques qui réfutent les théories dominantes et les politiques existantes. Les universitaires et les chercheurs de la région sont appelés à contribuer à la construction de nouvelles connaissances au niveau national et régional.

Publier l'information, sensibiliser le public et garantir la transparence pour atteindre tous les groupes de population et sensibiliser le public aux conséquences sociales et environnementales des politiques économiques néolibérales comme la libéralisation ou la privatisation des échanges. Pour comprendre leurs forces motrices, il est urgent de simplifier les informations techniques et les résultats de la recherche, en particulier sur :

  • Les Institutions Financières Internationales (comme le Fonds Monétaire International, l'Organisation Mondiale du Commerce et le Groupe de la Banque Mondiale)
  • Les sociétés multinationales et le flux des investissements étrangers
  • L'impact social des politiques néolibérales, du libre-échange et des prêts du FMI et de leur conditionnalité
  • La diversification des outils de sensibilisation du public en utilisant des plates-formes multimédias et les réseaux sociaux pour atteindre le plus grand nombre possible de personnes et se battre pour une plus grande transparence de la politique économique au niveau national.

Partager l'information et l’expérience : Intensifier l'échange d'informations et d'expériences dans la région MENA, avec d'autres pays en développement et avec des voix progressistes et critiques dans les pays en développement qui peuvent soutenir les efforts locaux pour négocier avec des partenaires économiques et donateurs mondiaux. maximiser les avantages collectifs pour le public et réduire les difficultés économiques ou les impacts négatifs des politiques d'austérité. Les participants identifient les lacunes dans les domaines suivants dans la région MENA : 

  • Négociation avec les gouvernements, les institutions internationales (FMI, OMC, BM) et les partenaires commerciaux dominants tels que l'UE et les États-Unis.
  • Réduire les risques sociaux et environnementaux des politiques économiques néolibérales
  • Lobbying et négociation collective

Démocratisation des décisions économiques : les ONG, syndicats et autres forces civiles devraient faire pression sur les autorités pour qu'elles participent davantage aux processus décisionnels en lançant un débat public et en critiquant toutes les décisions économiques liées au commerce extérieur et aux accords d'investissement qui pourraient avoir des conséquences négatives sur la justice sociale et / ou l'environnement.

Stratégie tactique en établissant des alliances avec des parties prenantes, qui pourraient être traditionnellement opposées, mais qui peuvent partager le même intérêt dans certains domaines ou périodes. Par exemple, construire une alliance avec les chambres de commerce et des industries dans la négociation pour le libre-échange peut renforcer le front de la «protection de l'industrie locale» et étendre les avantages commerciaux nationaux, en construisant ce qu'on appelle «Rainbow-Alliances». Un autre exemple est la collaboration avec le ministère de l'Environnement pour soutenir des décisions respectueuses de l'environnement. Faire l'éloge des «bonnes» décisions du gouvernement (signature d'un accord sur la protection du climat ou promotion des droits des femmes) pourrait aider à renforcer le lien de confiance avec les autorités et à faciliter le travail de plaidoyer en faveur de la justice sociale.

Renforcer le travail en réseau, la collaboration et la coopération avec les ONG et les activistes régionaux et internationaux afin d'améliorer le travail de plaidoyer et de faire pression sur les forces motrices nationales du néolibéralisme, en particulier les gouvernements. L'activisme et le travail de plaidoyer dans la région MENA sont confrontés à un grand défi, à savoir la répression politique et le manque de liberté d'expression. Pour cette raison, les ONG, les activistes et les universitaires critiques peuvent accroître leur influence grâce à la coopération avec leurs homologues régionaux et internationaux.

Créer / renforcer des ONG et des syndicats indépendants dans la région MENA afin de prendre en charge le suivi, la responsabilisation et l'évaluation des décisions économiques gouvernementales.

Participation aux mouvements mondiaux, réseaux et ONG contre le néolibéralisme et soutien au travail de plaidoyer international pour réformer l'ordre économique international. Les participants ont suggéré d'initier un mouvement mondial pour ramener les institutions de Bretton Woods (FMI, BM) sous l'égide de l'ONU afin de les éloigner de la domination des Etats-Unis.