La crise économique libanaise et ses effets sur les jeunes
[1]. Ce déclin économique, associé à d'importants facteurs politiques, a entraîné une pénurie de fournitures médicales, une dévaluation extrême de la monnaie et une fluctuation constante des prix du carburant, ainsi que d'autres produits de base. À la lumière de cette crise sans précédent, une enquête récente menée par la Fondation Friedrich Ebert a mis en évidence le fait que les jeunes sont parmi les groupes les plus touchés par la situation actuelle. Il est donc essentiel d'examiner en profondeur l'impact de la crise actuelle sur les jeunes générations.
Les résultats de la récente étude de la FES sur la jeunesse de la région MENA démontrent la gravité de la situation. En effet, l'analyse des résultats de l'enquête menée au Liban par Michel Douaihy révèle que de nombreux jeunes considèrent que leur situation économique personnelle est "plutôt mauvaise, pour le moins, cette proportion étant légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes". En outre, ces résultats varient non seulement en fonction du sexe des répondants, mais aussi de leur niveau d'éducation, "la majorité de ceux qui ont un faible niveau d'éducation considérant leur situation économique personnelle comme plutôt mauvaise, au minimum, ce qui est légèrement plus élevé que ceux qui ont un niveau d'éducation moyen ou élevé". Il est toutefois essentiel de noter que les jeunes sont également confrontés à de nombreuses difficultés dans la poursuite de leurs études, car les principales universités du pays (principalement des établissements privés) ont augmenté leurs frais de scolarité à des niveaux sans précédent, ce qui a contraint de nombreux étudiants à abandonner leurs études. En outre, ceux qui ont opté pour des solutions plus abordables ont également rencontré des difficultés, car les établissements d'enseignement public ont leur propre lot de souffrances.
Afin de parvenir à un sentiment de sécurité financière, de nombreux citoyens libanais, en particulier les jeunes, ont accepté plusieurs emplois et dépendent de diverses sources de revenus. Aujourd'hui, les étudiants libanais, qu'ils soient à l'université ou à l'école, concilient travail et études, et occupent souvent plus d'un emploi à la fois. En raison de l'insuffisance des salaires et de leur incapacité à couvrir leurs besoins de base, la diversification des revenus est devenue une réelle nécessité. Cependant, malgré plusieurs emplois, selon l'étude de la FES sur la jeunesse de la région MENA, "86% des jeunes" se trouvent toujours dans l'incapacité d'épargner de l'argent. L'étude met en évidence trois sources de revenus pour les jeunes : leur propre emploi, le soutien financier de membres de la famille ou les bourses liées à leurs études. L'origine de ces sources met en lumière la dynamique du pouvoir économique et social qui prévaut dans la société libanaise. Du point de vue du genre, les hommes interrogés citent majoritairement leur propre emploi comme leur principale source de revenus, tandis que les femmes interrogées comptent principalement sur leur famille pour obtenir une aide financière, ce qui indique un niveau plus élevé de dépendance et de vulnérabilité.
[1] Doueihy, Michel (2022) : La jeunes au Liban, FES MENA Youth Study : Analyse des résultats, p.4.
Après avoir évalué la situation économique globale et les difficultés auxquelles la jeune génération est confrontée, examinons le sujet dans une perspective analytique plus approfondie : Les défis auxquels les jeunes sont confrontés aujourd'hui sont-ils uniquement liés à la situation économique du pays ? Ou sont-ils également liés à la structure du marché du travail ? Existe-t-il des similitudes entre la structure du marché du travail et la structure du système politique ? Qu'en est-il de l'aspect culturel et de son influence sur la prise de décision des jeunes ?
Une structure du marché du travail secouée
Le marché du travail au Liban est caractérisé par l'informalité, l'instabilité, le faible taux d'emploi, la pénurie d'emplois disponibles, la fuite des cerveaux, les rémunérations injustes et inégales, la ségrégation professionnelle et l'inadéquation des compétences. À la lumière de la crise économique actuelle, le marché du travail libanais est confronté à des défis importants qui sont étroitement liés à l'agitation politique du pays. En effet, la structure des systèmes gouvernementaux au Liban a été caractérisée par la détérioration, l'instabilité, la corruption et la mauvaise gestion, ce qui est très similaire à la structure du marché du travail qui a été extrêmement perturbée au cours des dernières années.
En outre, les jeunes sont parmi les plus "exploités" par les structures du travail dans le pays. De nombreux jeunes travailleurs déclarent ne pas avoir signé de contrat de travail, ce nombre étant plus élevé chez les femmes. En outre, la violence liée au travail des enfants a été enregistrée comme un problème majeur parmi les enfants qui travaillent, en raison de l'absence constante de mesures de sécurité et de responsabilisation. En outre, la plupart des jeunes souffrent de mauvaises conditions de travail. Dans l'ensemble, la situation des jeunes sur le marché du travail est alarmante, surtout depuis quelques années. Les jeunes générations de travailleurs sont confrontées à l'exploitation et à la violence et assument de nombreuses responsabilités à un jeune âge, ce qui nuit à leur santé mentale.
En outre, les jeunes ont également été les plus touchés par l'instabilité du marché. En 2018, un rapport de l'Administration centrale des statistiques (CAS) et de l'Organisation internationale du travail (OIT) estimait que "le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) au Liban s'élevait à 23 %, soit le double du taux de chômage national de 11,4 %"2. En 2022, une enquête actualisée a montré que le chômage des jeunes avait augmenté pour atteindre "47,8 %, contre un taux de chômage national de 29,6 %"3. Ces données mettent en évidence la triste réalité que vit la jeunesse libanaise aujourd'hui. Les taux de chômage élevés, les luttes économiques quotidiennes et l'incertitude sociale ont en effet considérablement affecté les moyens de subsistance de la jeune génération libanaise. Aujourd'hui, les jeunes se trouvent dans un cycle de longue durée, ils ne sont pas en mesure de progresser ou même de construire leur propre carrière. Les jeunes générations ont perdu la liberté de choisir ou de passer d'un emploi à l'autre. En outre, les jeunes sont moins enclins à accepter des stages non rémunérés qui peuvent être importants et bénéfiques pour leur orientation et leur développement de carrière. La situation actuelle affecte gravement la majorité des jeunes qui aspirent à un emploi et qui suivent la "norme" récente consistant à changer de carrière pour trouver un revenu rapide et disponible au lieu de poursuivre leur passion et le travail de leurs rêves.
Il est nécessaire de noter que l'accès aux opportunités d'emploi au Liban dépend fortement des relations et, dans de nombreux cas, du clientélisme, ce qui met en évidence une plus grande dépendance politique et sociale (les jeunes devenant plus dépendants des dirigeants politiques, des amis ou des familles qui les ont aidés à obtenir un emploi).
Aspect culturel
La perception sociale des emplois sur le marché remonte à de nombreuses années et continue d'influencer les décisions des jeunes en matière d'emploi (en traçant une ligne entre les emplois "socialement acceptables" et ceux "qui ne sont pas socialement acceptables"). Je me souviens du jour où j'ai exprimé publiquement mon intention d'obtenir une licence en sciences politiques et affaires internationales. Je me souviens encore aujourd'hui des visages des membres de ma famille et de mes voisins. Ils étaient plutôt choqués : "Tu veux faire quoi ?". Dans notre société, on est soit avocat, soit médecin, soit ingénieur, soit rien du tout !
Au Liban, la culture, dans son aspect patriarcal, classiste et discriminatoire, joue un rôle important dans les choix de carrière des jeunes. Ce paradigme social a en effet paralysé le marché du travail, car le fossé entre les demandes d'emploi, la disponibilité, les opportunités et les compétences s'est creusé. Il est donc de plus en plus nécessaire de sensibiliser les jeunes à l'importance de l'orientation professionnelle et de la diversité des emplois.
Conclusion
Dans l'ensemble, la jeune génération est confrontée à de nombreuses difficultés. La situation économique, les influences culturelles et la structure ébranlée du marché du travail ont un impact considérable sur les décisions de carrière et les moyens de subsistance des jeunes. La santé mentale des jeunes au Liban se détériore. Un taux croissant d'isolement, d'anxiété et de dépression chez les jeunes est enregistré. De nombreux jeunes talentueux quittent définitivement le pays, tandis que d'autres restent bloqués, incertains et perdus. Du côté positif, de nombreux jeunes ont pris l'initiative de créer de petites entreprises, mais ces entreprises seront-elles viables dans un environnement aussi instable ?
En bref, il est évident que la crise économique actuelle a joué un rôle important dans l'évolution de la situation des jeunes. Toutefois, cette crise économique est le résultat de nombreuses années de mauvaise gestion et d'une structure institutionnelle gouvernementale faible. De même, les défis auxquels les jeunes sont confrontés aujourd'hui ne sont pas seulement liés aux facteurs précédents, mais aussi au manque d'orientation et d'évaluation précise des besoins et des opportunités sur le marché du travail. C'est pourquoi il est urgent de procéder à une évaluation complète et détaillée du marché du travail et de prendre conscience de l'importance d'offrir aux jeunes une bonne orientation professionnelle dans le contexte de la crise économique actuelle.
Pour lire l'étude complète et en savoir plus sur le projet régional Etude sur la jeunesse :
https://mena.fes.de/fr/projets/etude-jeunesse
2PNUD, "La jeunesse libanaise : Barrières à la croissance et opportunités à saisir", 2022, https://www.undp.org.
3Ibid.