14.06.2021

Quelle place pour le dialogue social dans l’établissement des voies légales pour la migration ?

La multiplication des accords de main d’œuvre et des protocoles d’accord est désormais hissé par les Etats au rang de panacée dans la régulation des mouvements migratoires.

La multiplication des accords de main d’œuvre et des protocoles d’accord est désormais hissé par les Etats au rang de panacée dans la régulation des mouvements migratoires. C’est une tendance lourde pour répondre à la réalité économique et démographique des pays demandeurs. Malgré les discours officiels présentant ces canaux comme l’alternative à la migration irrégulière, la mise en œuvre est laborieuse, minée par les enjeux sécuritaires et le déséquilibre des forces lors des négociations entre pays. Dans ce contexte, les mécanismes de dialogue social entre partenaires sociaux des pays de départ et d’installation tardent à se mettre en place.

Selon l’Organisation Internationale du Travail, seulement 1% des accords de main d’œuvre existants se réfère à des principes de dialogue social dans leur élaboration et leur suivi. La gouvernance migratoire reste en effet dans la majorité des pays une exclusivité gouvernementale dominée par les considérations sécuritaires, réduisant les accords de main d’œuvre à des documents minimalistes et flous, largement en deçà des normes internationales.

Autoriser les travailleurs à se déplacer et à travailler n’est cependant pas une condition suffisante pour garantir les droits. Il suffit de constater l’absence de régulation des agences privées de recrutement ou autres centres de langue pour comprendre que les voies de recrutement se diversifient et livrent les candidats à des commissions financières importantes, des abus et parfois des drames. Ou encore, que le départ massif des diplômés et autres compétences se fait en dehors des canaux institutionnalisés, sans la moindre prise en considération dans les programmes d’aide au développement. Ou encore que ce soit principalement le modèle économique du Sud de l’Europe basé sur une main d’œuvre à bas coûts qui livre les travailleuses migrantes du secteur agricole au trafic.

Les nouveaux modèles de migration légale implémentés pour répondre aux besoins économiques de l’Europe restent à ce jour en dehors des canaux de dialogue social et peu accessibles aux syndicats et aux acteurs de la société civile du pays de départ et d’installation, limitant le mode opératoire et l’éventail des réponses possibles. Au Nord comme au Sud, la tâche est complexe mais l’enjeu reste le même : promouvoir l’approche multi-acteurs et la gouvernance participative, gage d’un meilleur équilibre entre considérations sécuritaires, économiques, sociales, environnementales et humaines.

Le partenariat liant la FGME et l’IGM en Tunisie est un exemple éloquent ou les syndicats, à travers une coordination et une concertation continue, articulent leurs positions et renforcent mutuellement leur pouvoir de négociation dans le cadre du dialogue social. Un tel mode opératoire de coopération et de solidarité transnationales serait-il transposable dans le cas de l’établissement des accords de main d’œuvre ? La réponse est oui. L’inclusion des partenaires sociaux dans la mise en place et le suivi de la convention de main d’œuvre entre l’Allemagne et les Philippines dans le secteur de la santé constitue dans ce sens un modèle.

Même si la migration organisée ne peut constituer la seule alternative pour la mobilité humaine vu la complexité des causes qui alimentent les routes migratoires, elle est en mesure d’impulser de nouveaux canaux de coopération articulant approches sectorielles et coordination transnationale. Un levier qui a fait ses preuves et qu’il est désormais temps d’activer dans le cadre des politiques migratoires dans notre région.

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