29.09.2022

Développer la protection sociale en période d'austérité

La protection sociale est un droit de l'homme et elle est considérée comme la politique publique la plus redistributive en réduisant les inégalités économiques à travers de multiples canaux.

La région MENA est considérée comme l'une des régions les plus inégalitaires au monde avec des taux élevés de dette publique et de chômage, associés à une économie informelle représentant plus de la moitié de l'économie du pays dans certains cas. Ces problèmes économiques ont été à l'origine de soulèvements et de manifestations populaires en 2011, revendiquant liberté et justice sociale. Depuis, les protestations n'ont pas cessé et de multiples mouvements sociaux ont eu lieu dans plusieurs pays de la région contre les politiques d'austérité et leurs effets sur leur vie.

La protection sociale est un droit de l'homme et elle est considérée comme la politique publique la plus redistributive en réduisant les inégalités économiques par de multiples canaux. Pour les systèmes contributifs de protection sociale, nous pouvons mentionner l'assurance maladie et les caisses de sécurité sociale. Pour les systèmes non-contributifs, il y a les transferts en espèces des budgets nationaux aux populations vulnérables, à l’instar des handicapés, des personnes pauvres et autres. Aujourd’hui, il y a une demande croissante de protection sociale universelle qui « ne laisse personne de côté ».

La crise du COVID-19 a mis en évidence la nécessité d'une Protection Sociale Universelle afin de garantir l'accès aux soins pour tous et de protéger chacun de la vulnérabilité, y compris ceux qui risquent de perdre leur emploi en raison des confinements et de la récession économique. La mise en place de systèmes de protection sociale nécessite des stratégies nationales efficaces ainsi qu’un financement. Ce dernier représente un défi majeur en ces temps de récession économique où les ressources financières se font de plus en plus rares.

Les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) ont historiquement joué un rôle important dans la restructuration des économies de ces pays par le biais des conditions d'accès aux prêts. Dans les pays arabes, les systèmes de protection sociale ont connu un déclin, après la mise en œuvre de programmes et d'accords avec le Fonds monétaire international. Ainsi, les programmes de protection sociale universelle dans ces pays ont été remplacés par des transferts en espèces ciblant les populations les plus pauvres. De nombreuses personnes vulnérables n'ont pas pu bénéficier de ces transferts.

Le projet « Economic Policies for Social Justice in the MENA Region » (Politiques économiques pour la Justice sociale dans la région MENA) de la Fondation Friedrich Ebert, à travers son rapport « Uncovered : The role of the IMF in shrinking the social protection, Case Studies from Tunisia, Jordan and Morocco » (A découvert : Le rôle du FMI dans la réduction de la protection sociale, études de cas de la Tunisie, de la Jordanie et du Maroc), analyse les systèmes de protection sociale dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et l'impact des programmes du FMI sur ces systèmes.

Le rapport aborde trois études de cas dans trois pays à revenu intermédiaire non exportateurs de pétrole, à savoir le Maroc, la Tunisie et la Jordanie. Ces pays sont situés dans une zone décrite par le FMI comme ayant une faible protection sociale, par rapport aux pays à revenu similaire dans le monde. Ces trois pays se sont également engagés dans une vaste coopération avec les experts du FMI au cours de la dernière décennie. À travers ces études de cas, une attention particulière a été accordée au remplacement de la protection sociale universelle par des transferts en espèces et à l'insistance du FMI et de la Banque mondiale à les remplacer par des programmes de ciblage statistique pour les plus pauvres des pauvres. Ainsi, tous les programmes de ciblage des transferts en espèces ont été évalués en termes d'impact sur la pauvreté et la justice sociale en fonction de la spécificité de chaque programme dans les trois pays. Lancé au début de la période pandémique, ce rapport présente une première évaluation régionale des politiques recommandées par le Fonds suite à la pandémie de COVID-19, en termes d'impact social sur les citoyens.

La version anglaise de ce rapport est maintenant publique et sera suivie des versions arabe et française dans les semaines qui suivent. Afin de diffuser ce rapport auprès d'un large public, quatre entretiens ont été réalisés avec les auteurs du rapport et l'équipe de la Fondation Friedrich Ebert pour présenter les principaux résultats et seront publiées dans quatre épisodes du Podcast « Yadkhafiya » (La main invisible) dans les jours suivant la publication du rapport. De même, un article sera publié sur la plateforme « Mechkal » présentant des témoignages réels de personnes qui ont été affectées par ces politiques en Tunisie.

Afin d'ouvrir le débat sur les résultats du rapport, le projet « Politiques économiques pour la justice sociale dans la région MENA » organise un webinaire le vendredi 7 octobre 2022 à 15 heures (heure de Tunis) au cours duquel les auteurs présenteront et discuteront des résultats du rapport avec des militants et des experts de la région.

Cet événement intervient à un moment important, deux jours avant le début des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale et des consultations avec la société civile. Ce moment est à saisir pour davantage de plaidoyer auprès des décideurs nationaux et internationaux afin de défendre les droits des citoyens de la région à un moment critique tant au niveau régional qu'international.

Pour lire le rapport : https://library.fes.de/pdf-files/bueros/tunesien/19559.pdf

Vous pouvez vous inscrire au webinaire en suivant ce lien : https://us06web.zoom.us/webinar/register/WN_koj35GBXRcSgqcJXHj-6Vg